Carlos Tobias, journaliste-administrateur à full-news.info se rappelle le 5 février 2005 comme si c’était hier. Le jour où disparaissait le président de la République Togolaise, Gnassingbé Eyadéma, bien d’événements étranges et des rumeurs ont marqué la journée ce jour-là. Un samedi pas comme les autres ! La chronique d’une journée qui marqua une tournée décisive dans l’histoire du Togo.
« Je découvris la photo du prédisent avec une croix et une musique en fond. Je criai, mais TVT a quoi ? Ils passent les avis de décès avec la photo du vieux ? Celui qui est à la régie là bas est mort !!!! »
Le 5 février 2005. Alors que j’étais encore jeune étudiant en journalisme. Ce samedi matin, personne ne pouvait savoir pourquoi, mais comme à chaque fois que nous avions des heures creuses, nous avions ouvert le débat sur la vie sociopolitique du Togo.
Mais seulement ce jour, le sujet était, bizarrement « le Togo après Eyadema ». Incroyable, il y avait le camp de ceux qui pensaient qu’après lui, le pays devrait chavirer, et ceux qui soutenaient que l’armée devraient revenir puissamment au pouvoir et que la dictature allait devenir plus grave. Pour ce dernier camp, Eyadema, lui, au moins montrait déjà des signes de faiblesse, d’ouverture sous la pression de la communauté internationale.
Quel est donc cet esprit qui nous parlait ce matin? Je me rappelle même qu’une de nos collègues, aujourd’hui à la TVT avait sorti la fameuse citation »Après moi il y aura le déluge »… Pourquoi? Nos débats ne nous permettaient pas vraiment de nous l’expliquer, enfin, c’étaient de tous jeunes qui développaient leurs talents de débatteurs…
Lorsque ce débat a été fermé, la suite a été toujours marqué par des histoires personnelles d’êtres perdus ces derniers moments, chacun y allait de son gré, racontant aux autres sa peine…C’est d’ailleurs ce jour que j’apprenais qu’une de mes collègues était même orpheline de père…
Jeune stagiaire de Radio Lomé à l’époque, je devrais retourner à la rédaction à 14h. Bien avant vers 11h, un coup de fil…. « Souleyman -puisque mon nom c’est Bien Tobias Comlangan Souleyman Carlos… tu es où? ». « Je suis à l’école », répondis-je! « Ok, bon je dois te dire un truc mais tu la ferme après, d’abord après les cours ne vas pas à la radio ce soir… », dira mon interlocuteur que j’ai fais vite de couper en demandant pourquoi? « Il parait que Eyadema est mort… », me balança-t-il à l’oreille.
Je rétorquai « oui Eyadema était mort déjà plusieurs fois, regarde TVT ce soir, le monsieur sera encore à la UNE avec ses audiences… » .
Une fois raccrochée, je poussai de nouveau un juron et disais à mes collègues, « on m’apprend encore que Gnass -le nom affectueux donné au président Eyadema- est mort comme si, si cela arrivait lui -même- mon interlocuteur- serait sur pied pour me l’annoncer… ». On ne reviendra plus sur le sujet entre collègue.
« En réalité, ce type de vent annonce souvent en Afrique le décès des grands hommes, sûrement qu’un baobab est tombé quelque part… ».
Vers midi, notre D.E. nous demanda de rentrer. En bons étudiants, on a pris du temps à vider les lieux… Autour de 13h, alors que je m’apprêtais à prendre un taxi, un vent violent me fit retourner sur moi-même brusquement… Un peu partout, une sorte de tourbillon, des étalages qui s’envolaient, des femmes qui couraient d’après leurs produits exposés que le vent emportait…Je me pressai de me glisser dans le premier taxi qui se pointe, sans presque me rappeler qu’en bon étudiant, je devais signaler au chauffeur que je n’avais que 150f contre deux cents. Une fois à bord, seul passager que j’étais d’ailleurs -j’avais presque loué le taxi à 150f – c’est autour de ce vent inexpliqué qu’ont tourné mes discussions avec le conducteur. Puis devant ma porte, il me lança une phrase que je ne comprendrai que vers19h… il me disait : « en réalité, ce type de vent annonce souvent en Afrique le décès des grands hommes, sûrement qu’un baobab est tombé quelque part… ».
Je rentrai me coucher, après ma farine délayée au lait bien sûr. Vers 15h, un appel me réveilla en sursaut. C’était un ami de la Radio. Une panique stupide se saisit de moi, mais elle est bien extraordinaire cette panique, je me disais que j’étais en retard…mais le sentiment était bien étrange. Alors au bout du fil, celui là qui aujourd’hui est devenu déjà commissaire de Police, alors à l’époque étudiant en fin de cycle en droit me demande, « tu viens quand au boulot ? Moi j’ai eu du mal tout à l’heure, il y a un dispositif inhabituel… ». Je lui répondis, sans trop réfléchir que je ne pense pas que je viendrais. « J’ai un mal de tête, je verrai », lui ai-je répondu.
Je me recouchai. Puis, plus rien de la soirée. Vers 18h, ma sœur vint me surprendre en sommeil avec une surprise. Elle était accompagnée de mon premier répétiteur, celui de CI-jardin d’enfant-. Il revenait de l’Allemagne après plus d’une dizaine d’année. En pleine discussions, mon téléphone sonna, enfin, c’était un message. Je n’avais pas vraiment vu l’heure. Le message disait « regardes la tvt ». C’était celui qui m’avait appelé le matin et que j’avais bêché par un juron. Je saute sur la commande, du coup évasif, mes invités ne comprenant plus rien…..
Je découvris la photo du prédisent avec une croix et une musique en fonds. Je criai, mais TVT a quoi ? Ils passent les avis de décès avec la photo du vieux ? Celui qui est à la régie là bas est mort !!!!
Puis soudain, vint le discours de Koffi SAME, alors premier ministre. Je mis mon visage entre mes deux mains et courber sur moi-même. Quand je me relevai, ma sœur et mon répétiteur étaient déjà bien loin….Je crois les avoir entendu dire « nous rentrons vite ».
Je sorti de ma chambre et me fit rencontrer par mon cousin qui venait en courant vers moi. « On est mort. Eyadéma mort ? C’est une blague ». « Ces gens là se foutent de nous,comment Eyadema peut mourir, c’est quelle comédie », ajouta-t-il. Sans répondre, je sorti dehors. Je vis des gens courir dans tous les sens. Des voitures roulées à vive allure. Je demandai à mon cousin de sortir sa moto. Nous nous dirigeâmes vers Dékon. J’habite au centre ville, Dékon est a peine à 1km… De loin, on pouvait voir tous les magasins fermés et chacun se presser de se mettre à l’abri……Oui à l’abri puisque les heures qui s’en ont suivi ont été bien turbulentes. Sa prophétie allait se réaliser, après lui, le déluge !
Le 5 février, tel que je l’ai vécu ! Lorsque celui qui a régné plus de 40 ans sur le Togo disparaissait brusquement.
Photo 1: feu Gnassingbe Eyadema, DR
Photo 2 : Cérémonie d’enterrement de Feu Eyadema, Palais des Congrès de Kara. (Photo : Republicoftogo.com – Archive -DR)