Conii Gangster
Conii Gangster, Photo page Facebook de l'artiste

C’est un « Gangster » des mots crus qui abdique, signant une « amnistie » lundi avec le ministère de la Culture. L’affaire « Conii Gangster » qui alimente les débats depuis plusieurs jours sur les réseaux sociaux n’est qu’un retour d’un débat ouvert depuis juin 2023 par un communiqué du ministre de la culture. Pierre Lamadokou y dénonçait « les chansons et films aux paroles et actions obscènes. » Ce que j’en pense…

L’artiste Conii Gangster a abdiqué lundi. Dans une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux, en Ewé (langue locale), l’artiste avoue « avoir été attaqué mais continuait (ndlr : à prester avec les chansons dénoncées) parce que l’attaque n’était pas à son paroxysme. » « Là où nous en sommes, l’attaque est grande », a-t-il lâché ! En fond sonore de la vidéo, la salle éclate de rire… Puis il continue « il n’y a plus autrement, l’Etat reste l’Etat. Je demande pardon à tous ceux qui se sont plaints. Conii Gangster reconnaît que l’Etat est resté debout derrière lui ! Particulièrement boycotté, l’artiste avait quelques heures plus tôt appelé à l’aide, en demandant pardon aux autorités togolaises.

Dans la foulée de sa signature du code de bonne conduite lundi, l’artiste est fait « officiellement messager, et donc ambassadeur de lutte contre les paroles obscènes », a posté le ministre de la Culture. Le chanteur de ‘’Nobody’’ qui disait « nobody can stop me, nobody can stop my music ndlr : personne ne peut m’arrêter, personne ne peut arrêter ma musique» s’est donc vu stopper dans la propagande des paroles ‘’vulgaires”  !

Rafales de critiques sur le web

Traqué, Conii Gangster décide ainsi de « déposer les armes. » Ce qui, sans nul doute, n’est pas du goût d’une partie de l’opinion. Comme dans la salle, l’information ne fait pas rire tout le monde. Et c’est bien normal. Certains y voient une atteinte à la liberté d’expression, de l’expression artistique. Pour d’autres, en signant le code de bonne conduite et en s’engageant à quitter son registre dit « vulgaire et obscène », l’artiste signe la mort de sa carrière.

Seulement, un « Ganster » ne devrait pas craindre la mort ! D’ailleurs, il serait plus criminel de laisser le désormais artiste « influent et populaire » faire l’apologie de toutes les crudités obscènes. Comme l’a dit le ministre Lamadokou, il s’agit avant tout d’un engagement à « exercer une influence positive sur sa fanbase, contribuant ainsi à élever le niveau de la production musicale ; de préserver, à travers son art, les jeunes oreilles en respectant les bonnes mœurs. »

Que le débat se poursuive autour du choix de l’artiste, fut-il volontaire ou imposé, n’est pas une mauvaise chose en soi. Il dénote justement que la liberté d’expression, sur ce point, n’est pas tant que cela menacée.

Arsenal juridique

En juin 2023, lorsque le ministre de la Culture montait au créneau, sa sortie était soutenue par l’article 394 du code pénal qui « punit toute personne qui diffuse ou fait diffuser publiquement les incitations à des pratiques contraires aux bonnes mœurs par paroles, écrits ou tous les autres moyens de communication.» Conii Gangster et son équipe ont peut-être renoncé à mener un combat perdu d’avance. Car, avant ‘’Gangster’’-peut être qu’il devrait aussi changer de nom-, dans l’histoire musicale togolaise, des artistes ont déjà connu la censure de leurs œuvres artistiques. Des clips ont été amenés à être remontés pour pouvoir passer à la télévision, parce que montrant des images jugés obscènes. Même si les partisans de Conii estiment que d’autres artistes sont dans le même registre sans être inquiétés, il faut alors saisir l’occasion pour faire le bon ménage, sans état d’âme.

La Haute autorité de l’audiovisuel et de la Communication doit elle aussi pointer ses viseurs vers cette cible. Elle en a l’obligation, conformément à l’article 22, alinéa 2 de sa loi organique qui dispose qu’« …elle veille à la préservation et à la protection des valeurs, des mœurs et de l’éthique culturelle en matière de production et de diffusion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles… »

Sans se tromper de combat, il faut mesurer l’impact des œuvres artistiques sur les populations, notamment les plus jeunes, à l’ère du numérique. Il est alors aisé de comprendre qu’il nous faut un gendarme pour limiter les dégâts. On aura peut-être raison de questionner la méthode, la pédagogie pour faire rentrer tous les « Gangster » dans les rangs, mais il serait un peu hypocrite de critiquer ce qui est fait pour faire en sorte que les artistes participent à construire une société préservant les valeurs morales qui nous sont encore chères. Même si vous avez certainement vu cette photo du Togo renversé derrière l’artiste sur les premières images publiés lundi puis supprimées depuis, le Togo doit rester debout ! Alors, tous ces artistes, sans exception, qui promeuvent la drogue, l’immoralité sexuelle ou encore dont les œuvres portent atteinte à la dignité humaine (homme ou femme) ou qui banalisent des voies de faites devront être désarmés pour tenter de sauver ce qui reste de la morale collective. Peu importe leur rang ou leur affiliation. C’est en cela que ce combat aura tout son sens…

 Carlos Tobias