UNIR
Atcholi Aklésso, Secrétaire exécutif UNIR

La scène sociopolitique togolaise renoue avec l’agitation ces dernières semaines. Une tension qui semble aller crescendo depuis lundi après que les députés, en fin de mandat, aient adopté une nouvelle constitution. Le texte encore introuvable officiellement doit faire passer le pays de la 4è à la 5è République. Le président de la République devrait le promulguer dans 15 jours.

A quelques jours de l’ouverture des élections législatives et régionales, le pouvoir de Lomé a réussi à déplacer les débats sur un autre terrain. A Lomé, c’est la nouvelle constitution adoptée tard dans la nuit du 25 mars qui est au cœur des préoccupations. Depuis trois semaines déjà, le sujet est devenu la première préoccupation des Togolais, aussi bien des opposants à cette réforme constitutionnelle qu’à ceux qui y sont favorables.

La crise économique, la crise énergétique que traverse le pays depuis plusieurs semaines, le défi des infrastructures routières, les urgences sociales et même la sécurité dans le nord du pays ! Tous ces sujets urgents sont relégués au second plan en quelques jours de gymnastiques politiques, à tel point que les Togolais se disent choqués que le déphasage soit aussi grand entre leurs priorités et celles des tenants du pouvoir politique. Une crainte donc de voir les réelles préoccupations vitales des populations passer de plus en plus en second rang dans les actions politiques.

Un mystère constitutionnel

Le mystère entretenu autour du texte proposé reste une source d’inquiétude. De quoi amener plus d’un à appeler le président de République à ne pas le promulguer. L’Eglise catholique, des partis politiques, la société civile et des citoyens individuellement s’indignent de la démarche du parlement. Une pétition est d’ailleurs lancée à ce propos en ligne avec une lettre ouverte au président de la République.

Jamais un texte n’a été aussi soigneusement gardé loin du public. Ce qui fait monter les enchères, au moment où l’actuelle constitution prévoit un référendum en cas de modification de l’article 59. C’est cet article qui dispose des conditions d’élection du président de la République, de même que les conditions de modification même de cet article. A l’étape actuelle du débat, tout tourne autour de suppositions.

Garder la main sur le pouvoir

Et de ce qui se dessine, tout porte à croire que le parti au pouvoir, UNIR, pourrait s’arranger à renverser les rôles, en faveur de son président. Faure Gnassingbé deviendrait ainsi le président du Conseil prévu par la nouvelle constitution. Le poste de président que pourrait éventuellement occuper n’importe quel autre acteur politique, de la majorité ou non, ne restera donc qu’un titre honorifique. Un président dont le mandat ne sera renouvelable qu’une fois.

Une gymnastique visant à en finir avec la fâcheuse question d’alternance au cœur du débat politique depuis maintenant des décennies. Et pour cause, le président du Conseil tirera sa légitimité du fait que son parti soit le parti majoritaire au parlement et au sénat. Problème ? Comment garantir la vérité des urnes au moment où le doute persiste sur le mécanisme des élections ? C’est l’un des points d’inquiétude de ceux qui  s’opposent à ce texte que les commanditaires brandissent comme « conforme aux réalités de notre société. » Et si par les caprices de la vie, on devrait assister à la vacance du pouvoir du président du Conseil, on peut très bien imaginer celui qui pourrait prendre la relève.

Contestations étouffées 

Un coup de force que dénoncent les partis de l’opposition dont certains ont été empêchés mardi de tenir des conférences de presse, jusqu’à leur siège ! Des images qui rappellent aux Togolais des scénarios des précédentes crises politiques. Et pourtant, il y a quelques années, en sortant d’une terrible crise politique aux lendemains du décès de Gnassingbé Eyadéma, son fils qui a depuis lors repris les commandes avait déclaré : « plus jamais ça !» Une déclaration dont les actes des partisans du pouvoir ont amené les populations à douter régulièrement.

Voir resurgir les vieux démons de la politique, c’est ce qu’il faut  donc craindre de ces agitations politiques, de ces machinations. Le pire à souhaiter à un pays socialement à bout de souffle.

Ben Souleyman