Capture d'écran d'une vidéo, ce 1er juin à Dakar

Vendredi 2 juin au petit matin, il était encore impossible de joindre nos contacts sur place par les réseaux sociaux. La veille, « l’Etat du Sénégal souverain a décidé de suspendre temporairement l’usage de certaines applications digitales ». Et pour cause, le verdict condamnant l’opposant Ousmane Sonko à deux ans de prison a fait éclater de violentes manifestations, dont les appels ont été lancés sur les réseaux sociaux.

La réponse à la condamnation de l’opposant Ousmane Sonko a eu pour effet immédiat de violentes manifestations dans plusieurs villes du Sénégal. Sur les réseaux sociaux, des appels ont été lancés demandant à la population de descendre dans les rues. Les images qui ont circulé sur les réseaux sociaux montrent l’ampleur des évènements. Certaines d’elles sont insoutenables. Jeudi, le ministre de l’intérieur a reconnu le décès de 9 personnes. Des images particulièrement choquantes et violentes ont été diffusées sur les réseaux sociaux. Des jeunes utilisés comme boucliers par des forces de l’ordre lapidées. Sur au moins une vidéo, l’on voit une foule déchaînée venir à bout d’un groupe d’hommes en uniforme avec une scène horrible de lapidation.

Une énième escalade de violence due à la gestion calamiteuse d’une affaire de viol conduisant à une condamnation pour « corruption de la jeunesse ». Cette décision de la justice sénégalaise jugée de ‘’parodie de justice’’ par les partisans de l’opposant, interprétée comme un plan pour empêcher l’opposant sénégalais Ousmane Sonko d’être candidat en 2024 aux élections présidentielles. Dans l’autre camp, la décision de justice est en lien avec le dossier, en conformité avec le code pénal du pays. Depuis plusieurs années, une agitation politique et sociale a rythmé la gestion de ce dossier. Le sujet a malheureusement profondément divisé le Sénégal. Après le verdict, des symboles du droit ont été visés notamment la faculté de droit à l’Université publique à Dakar.

C’est donc une situation incertaine qui règne dans plusieurs villes du pays. Les populations révoltées lisent à travers cette décision de justice une main du pouvoir, pour laisser le champ libre au président Macky Sall soupçonné de vouloir briguer un 3è mandat à la tête du pays. Un sujet au cœur des agitations sociopolitiques que connaît le Sénégal depuis plusieurs mois maintenant. De son côté, Macky Sall est resté muet sur ses réelles intentions, laissant la rue bouillonnée. Le 31 mai, il ouvre un dialogue avec des acteurs sociopolitique du Sénégal.

Internet censuré

Ce 1er juin, le Sénégal n’a trouvé autre solution que de restreindre l’utilisation d’internet dans le pays. Un fait reconnu publiquement par le ministre sénégalais de l’intérieur quelques heures plus tard. Vendredi 2 juin, plusieurs internautes du pays sont restés coupés du monde, même si aux premières heures certains ont mis en place des mesures de contournement de la censure d’internet.

Une censure dénoncée par plusieurs organisations de la société civile sénégalaise et internationale dont Africtivistes, la Ligue des Blogueurs et Cyber-Activistes Africains pour la Démocratie. Elle a appelé les autorités sénégalaises au respect de la liberté de manifestation et d’expression ; et demandé aux forces de l’ordre de cesser les répressions.

Le Sénégal sombre dans le chaos, comme bien d’autres pays du continent pour des raisons liées à la limitation de mandat, à la manipulation des institutions et de l’opinion. Un scénario de plus en plus récurrent sur un continent où plusieurs pays peinent toujours à donner force à la loi et à respecter les constitutions nationales sur les mandats présidentiels.

Justin AMEDE