Mali
Mohamed Aly Bathily, lors du point de presse du MRFP merecredi

La crise malienne accentue les griefs portés contre la CEDEAO « des chefs d’Etat ». Ces derniers réunis en conseil extraordinaire jeudi sur le cas malien ont appelé au retour de l’ordre constitutionnel, avec des menaces de sanctions. Au Mali et un peu partout en Afrique, les réactions ne se sont pas fait attendre. Un ancien ministre de la justice, membre du MRFP a annoncé que son pays portera plainte contre l’administration de la CEDEAO.

Quelques instants après la réunion extraordinaire de la CEDEAO, les réactions ont fusé de partout. Sur les réseaux sociaux, la vidéo d’un ancien ministre, membre du M5RFP est vite devenu virale. Mohamed Aly Bathily a ouvertement pris à partie la CEDEA et nommément cité certains chefs d’Etat dont Alassane Ouattara, les renvoyant à la situation sociopolitique dans leurs pays. « Que Alassane Ouattara l’entende bien. Nous sommes d’accord avec le peuple ivoirien pour lui dire que le 3ème mandat qu’il veut ne passera pas », a laissé entendre cet ancien ministre.

Sous des ovations, Mohamed Bathily s’est adressé aux peuples de la CEDEAO, en dénonçant la décision « d’un club, de conglomérat de chefs d’Etat mal dans leur peau ». « Il est temps que la CEDEA des peuples prenne vie et corps et que nous concertons contre la mauvaise gouvernance et les pratiques de ces gouvernants telles que les chefs d’Etat actuel nous les imposent », a martelé Mohamed Bathily. Pour lui, la CEDEAO est responsable de la situation au Mali. Enfin, il invite l’institution à regarder quelques huit ans en arrière, avec sa position face au président ATT. Le pays avait également porté plainte contre l’institution en 2012 et a eu gain de cause.

Sur le net, les condamnations contre les positions de la CEDEAO sont dominantes. Au-delà donc des questions de fond, la situation malienne accentue le clivage de vue entre les populations et les organisations sous régionales.

Le Mali divise

Lors de leur réunion du 20 août, les chefs d’Etat de la CEDEAO ont pris des mesures de sanction contre le Mali. Fermeture des frontières, l’arrêt des transactions financières et autres flux économiques et commerciaux entre les pays de la CEDEAO et le Mali, sauf les produits de premières nécessité, essentiels ou de lutte contre la Covid-19. Ils ont aussi évoqué une montée en puissance de la force en attente de la CEDEAO.

Une position de fermeté qui ne fait pas l’unanimité. Si les divergences ne sont pas clairement évoquées, des sorties de chefs d’Etat laissent croire que les points de vue ont été âprement discutés. Sur son compte twitter, le sénégalais Macky Sall a déclaré avoir « appelé la CEDEAO à réapprécier les sanctions annoncées pour tenir compte des impératifs humanitaires. Les produits de première nécessité, les produits pharmaceutiques et pétroliers ne seront pas concernés par l’embargo ». Le président sénégalais a appelé ses pairs à « agir avec responsabilité et célérité ». Une position qui se démarque des va-en-guerre comme l’ivoirien Ouattara appelant à « agir avec détermination afin d’obtenir, par tous les moyens, le rétablissement de l’ordre constitutionnel au Mali ».

Ce qui reste improbable, c’est l’autre décision presque irréaliste des chefs d’Etat de la CEDEAO demandant le retour d’IBK à son poste. L’on peut comprendre que l’organisation est dans son rôle pour ne pas cautionner un push. Mais parlant d’y parvenir par tous les moyens, il est important de rappeler que le Mali est loin d’être la Gambie ou encore la Guinée-Bissau.

La communauté internationale a d’autres priorités !

Au Mali, l’énième intrusion des militaires dans la vie politique est unanimement condamnée par la communauté internationale. Mais elle adopte une position plutôt prudente. La France par exemple, ce même jeudi, dit ne pas pouvoir se substituer au peuple malien. Contrairement à la CEDEAO, la France appelait à une rapide transition pour que le pouvoir soit rendu aux civils. Les priorités d’Emmanuel Macron sont ailleurs : la stabilité et la lutte contre le terrorisme. « …Que rien ne soit fait pour nous divertir de cette priorité qui est la lutte contre le terrorisme dans la région et qui est la seule chose qui justifie notre présence à la demande du peuple malien », a laissé entendre Emmanuel Macron.

Présentes dans le pays, les forces internationales engagées dans la lutte contre le terrorisme n’ont pas intervenu pour empêcher le renversement du régime IBK. Contrairement au Tchad où le président Idriss Deby a déjà été sauvé de justesse au nom d’un accord de coopération militaire par exemple. Est-ce à dire qu’au Mali, la communauté internationale a d’autres priorités que la protection du régime présidentiel ?

En attendant, un grand rassemblement est prévu à Bamako, de même que dans d’autres villes pour « fêter la victoire du peuple malien », à l’appel du M5RFP. Le pari qui reste donc à faire, c’est que cette effervescence puisse réellement profiter aux populations maliennes dont le rêve a été presque le même il y a 8 ans lorsque l’ex-président ATT a été déposée par l’armée.

Ben Souleyman