fast foods
Fond PSD créé par freepik - fr.freepik.com

La mode s’est aussi saisie de nos habitudes alimentaires. Désormais, on mange ‘’tendance’’. De plus en plus de personnes s’offrent le plaisir de franchir les portes des fast foods pour calmer leur faim. Et ce n’est pas seulement une question de gain de temps mais, il s’agit d’un véritable mode de vie qui gagne du terrain. Dans la capitale togolaise, ces restaurants rapides poussent comme des champignons. Dans cet entretien, Dapou Hadja Tchapo, nutritionniste au ministère de la santé alerte sur les dangers de ce mode d’alimentation sur la santé.

Full-News : Les Fast Foods s’invitent de plus en plus dans notre alimentation. Ce mode de restauration a-t-il un impact sur notre santé ? 

Dapou Hadja Tchapo : Il est important de clarifier la composition nutritionnelle des fast foods. Ce sont souvent des aliments déséquilibrés trop raffinés, pauvres en fibres alimentaires, pauvres en vitamines et sels minéraux. Ils sont riches en graisse, surtout les saturées, alors que la totalité des graisses recommandée par jour ne devrait pas dépasser les 30% de l’apport calorique global, et de ces 30%, 10% pour les saturées, 10% pour les poly insaturées et 10% des mono insaturées. Or, les huiles ayant une bonne répartition de ces acides gras sont très chères. Avec la restauration rapide, la tendance est l’utilisation des huiles plutôt bon marché, afin de maximiser le profit. Il se pose donc le problème de la qualité nutritive des aliments, sans oublier les autres risques de qualités.

Il y a également des risques d’utilisation de sucre raffiné et en excès, de trop de sel sans forcément tenir compte des besoins ou normes, l’utilisation des rehausseurs de goût, des additifs chimiques non alimentaires qui sont parfois interdits sous d’autres cieux. On citera par exemple le glutamate, le bromate de potassium dans le pain, la pâtisserie, le plomb dans les tomates, de la charcuterie, les œufs mal conservés ou même pourris…

Les aliments fast foods sont bien présentés et attirent à la première vue les consommateurs. A cela, il faut ajouter l’effet de la publicité. Mais la qualité des aliments n’est pas forcément la première préoccupation de la restauration rapide. Au-delà des préoccupations sanitaires, il faut aussi souligner que les fast foods utilisent principalement les aliments transformés, importés. Cela  pose un sérieux problème d’investissement, un cercle vicieux qui ne favorise par l’utilisation des produits locaux. Les fast foods ne favorisent donc pas le développement local, l’emploi des jeunes, des femmes, la réduction de la pauvreté, la valorisation des ressources naturelles non ligneux l’utilisation des aliments locaux. L’indépendance et l’autosuffisance alimentaire ne peuvent être garanties avec ce mode alimentaire.

Comment comprendre alors l’engouement autour de ce nouveau mode d’alimentation ?

Il y a un processus de lavage de cerveau qui est en train de gagner progressivement le terrain. Il consiste à faire croire que les aliments locaux sont pour les pauvres. Opter pour les fast foods serait une forme d’expression d’appartenance à une catégorie sociale donnée, une classe d’aisées. Or, on ne saurait confondre la richesse à la malbouffe. Ce serait comme s’enrichir pour s’acheter les maladies non transmissibles. En réalité, les personnes vraiment riches font très attention à ce qu’ils mangent. Ils ne se permettent pas de mettre n’importe quoi dans leur assiette. Ils font un bon tri, ils ne mangent que ce qui est saint pour leur bonne forme, santé, longévité, la beauté de leur corps. Ils préfèrent manger très souvent du naturel, voire du bio.

La malbouffe serait-elle donc encouragée par la prolifération des restaurants rapides ?

fast food
Dapou Hadja Tchapo, nutritionniste au ministère de la santé du Togo

Dans le langage courant, la malbouffe désigne une nourriture considérée comme mauvaise, tant au niveau de la qualité des ingrédients que de sa valeur nutritionnelle. Elle favorise l’obésité, le diabète, les maladies cardiovasculaires, certains cancers et autres maladies. La malbouffe est donc une mauvaise alimentation qui est non équilibrée avec la consommation d’aliments trop gras, trop salés et trop sucrés.

Mal manger, c’est cet ensemble de comportement et changement de mode de vie alimentaire qui peut porter atteinte à l’intégrité sanitaire physique, mentale, émotionnelle…. de l’être humain, c’est un déséquilibre total dans l’apport des besoins alimentaires; une alimentation guidée par la passion de l’homme, son imagination, et non la recherche d’apport de nutriments dont a réellement besoin l’organisme .

L’utilisation des substances non alimentaires dans la chaine de la production jusqu’à la consommation en passant par la transformation, le transport, la conservation, fait aussi partie de la malbouffe. Lorsque vous regardez de près, c’est malheureusement ce qui caractérise généralement les fast foods.

Quelles sont les conséquences précises de la malbouffe sur la santé ?

Elles sont multiples. Certaines sont encore mal connues. Elles sont silencieuses et progressives, d’autres ne se manifestent qu’au dernier stade avec une prise en charge quasi impossible.

La malbouffe expose à la malnutrition par excès et aux maladies non transmissibles telles que le surpoids, l’obésité, le diabète, l’hypertension artérielle, les maladies des veines et des vaisseaux du cœur, l’insuffisance rénale (reins bloqués). Ces maladies sont handicapantes, invalidantes avec des risques d’amputation des membres etc. Leur prise en charge coûte chère et l’issue est généralement fatale.

Selon l’Organisation mondiale de la santé :

  • 87 % des décès « prématurés » des pays à revenus faibles ou intermédiaires sont dus aux maladies non transmissibles (MNT)
  • La croissance rapide des MNT est un obstacle aux initiatives de réduction de la pauvreté
  • Les MNT ralentissent la croissance économique d’un pays, beaucoup d’argent pour l’achat des médicaments et qui empêchent aux populations de se doter d’un bien être adéquat

Et selon les données de l’enquête STEPS de 2010 au Togo: l’obésité touche   6,2 % de la population; le surpoids 15,4 %. 2,6 % sont diabétiques et l’Hypercholestorémie représente 14,2 %.

Ces données de 2010 ont certainement évolué sensiblement depuis avec les nouvelles habitudes, des tendances alimentaires de plus en plus tournées vers les fast foods;  accentuant donc la malbouffe.

Consommez des aliments locaux serait donc une alternative pour une alimentation saine ?

Il y a une urgence de prise de conscience. Il faut revenir à la bonne pratique alimentaire avec les aliments locaux qui sont plus saints, sûres, naturels, disponibles, durables. Une alimentation saine est celle qui est équilibrée et diversifiée. Elle tient compte des trois catégories d’aliments dont a besoin l’organisme. Ces trois catégories d’aliments sont même recommandées par l’OMS pour l’équilibre alimentaire. Il s’agit :

Des aliments énergétiques. Ce sont les céréales (maïs, mil, sorgho, blé, riz, avoine, quinoa …) et leur dérivé comme la pâte, le come, aboulo, la bouillie, le pain, les spaghettis … Les tubercules (igname, manioc, taro, pomme de terre…) et leur dérivé. L’huile (huile d’arachide, huile de palme rouge, huile d’olive, de tournesol, les margarines, le beurre, les graisses végétales, animales), etc. ce sont les aliments riches en glucide et lipides, principale source de carburant pour l’organisme.

Les aliments de croissance. Il s’agit des viandes, le poisson, le lait, les œufs, les produits de mer ; des insectes, légumineuses (haricot, vouanzon, soja, arachide amende, noix lentille, pois etc et leur dérivé. Ce sont sont des aliments qui nous apportent essentiellement les protéines pour notre croissance et le renouvellement de nos cellules.

Et enfin, les aliments de protection comme les fruits (ananas, avocat, mangue, orange, citron, pastèques, banane, papaye, pomme raisin, fraise ….) et légumes (adémè, gboma, gombo, feuille de manioc, de patate douce, feuilles vertes, choux, tomate, laitue, carottes, piment…) nous assurent les vitamines et les sels minéraux ainsi que les anti-oxydants, les fibres alimentaires.

Consommer des produits locaux, permet donc de lutter contre l’émergence des maladies non transmissibles ; de s’assurer une santé saine et durable. Ce mode alimentaire nous garantit une autonomie, une autosuffisance alimentaire. Ainsi, tout en préservant notre santé, nous luttons aussi contre la pauvreté avec la promotion de l’économie locale, l’emploi des jeunes et des femmes, la protection de l’environnement.


Quelques normes de l’OMS pour une alimentation saine.

  • Consommer moins de 5 gramme de sel par jour ou un peu moins d’une cuillère à café
  • Consommer au plus 5 morceaux de sucre par jour (un morceau = 5 grammes), la dose recommandée est 5 % des apports énergétiques quotidiens, c’est-à-dire, l’équivalent de 25 grammes par jour soit six cuillères à café, prend en compte les sucresajoutés des aliments, mais également les sucres naturels (des fruits) dans le miel, le sirop, les jus de fruits et les concentrés de jus de fruit.
  • Consommer 2 à 3 cuillerées à soupe d’huile par jour (30 à 45ml) dont moins de 10 % du gras saturé cela inclut les huilesutilisées pour la cuisson, les vinaigrettes, la margarine et la mayonnaise.
  • Prendre au moins 5 portions de fruits et légumes par jour (*1 portion équivaut à une orange ; 1 banane ou 3 cuillères à soupe de légumes)
  • Boire au moins 2 litres d’eau par jour
  • Eviter l’alcool, le tabac, les drogues

Propos recueillis par Merveille Lawson