
Les organisations de Presse au Togo sont remontées contre la condamnation des deux journalistes du journal ‘’L’Alternative’’ à une peine de prison. Ferdinand Ayité et Isidore Kouwonou, respectivement Directeur et Rédacteur en Chef du journal ‘’L’Alternative’’ ont été condamnés à trois ans de prison et trois millions d’amende, dans une affaire les opposant à deux ministres du gouvernement togolais.
La condamnation à trois ans de prison des deux journalistes à surpris plus d’un. L’Affaire qui a conduit à la détention en décembre 2021 de Ferdinand Ayité et du défunt Joël Egah et à la mise sous contrôle judiciaire d’Isidore Kouwonou n’était donc pas close comme on le pensait. Parce qu’en décembre 2021, les accusés avaient présenté des excuses publiques au ministre du commerce et à celui de la justice, les deux plaignants. Ces derniers les accusent de diffamation à l’issue d’une émission sur la chaîne Youtube du journal.
La justice s’est donc saisie des dispositions prévues à l’article 156 du nouveau code de la presse pour prononcer la condamnation des deux journalistes. Cet article stipule que les journalistes ayant commis des infractions contenues dans le code de la presse via les réseaux sociaux sont jugés sur la base du droit commun. Dans leur sortie, les organisations de presse dénoncent et demandent la relecture de cet article, tout comme l’alinéa 2 de l’article 3 du même code. Ce dernier exclut lui aussi les réseaux sociaux du champ d’application du code de la loi.
Un règlement de compte
Pour les organisations de presse, cette condamnation des journalistes est un règlement de compte par la justice. Elles en veulent pour preuve « le lot de procès intentés ces derniers temps contre plusieurs journaux ». « Les organisations professionnelles de la presse togolaise attirent l’attention des autorités du pays et de la communauté internationale sur un phénomène attentatoire à la liberté de presse qui consiste à régler des comptes aux journalistes via l’appareil judiciaire », écrivent-elles dans un communiqué signé de sept organisations.
Pour ces dernières, la condamnation de Ferdinand Ayité et Isidore Kouwonou est une « volonté manifeste de museler le journal ‘’L’Alternative’’ en particulier et la presse togolaise en général. Les deux journalistes condamnés ont quitté le pays « pour se mettre à l’abri », a indiqué la rédaction du journal.
L’Alternative menacée
Journal d’investigation, ‘’L’Alternative’’ se dit désormais menacée. Dans un communiqué publié dès le lendemain de la condamnation des deux premiers responsables du journal, évoque un « long acharnement contre des journalistes indépendants ». Harcèlement judiciaire, interpellation, surveillance etc…la rédaction du journal revient sur une suite d’événements subis par ses journalistes, notamment quelques jours avant le procès du 15 mars 2023. La rédaction du journal trouve « curieux l’acharnement de la justice contre les deux journalistes au point de délivrer à leur encontre un mandat d’arrêt ». Le journal a annoncé quelques jours plus tôt la suspension de ses parutions. Mais il assure « trouver une alternative pour informer ».
Une corporation en danger
Le piège se referme autour des acteurs des médias au Togo. Lors de la dernière révision du code de la presse, plusieurs acteurs ont alerté sur les dangers des subtilités savamment glissées dans le nouveau code. Notamment les dispositions prévoyant de juger les journalistes sur la base du droit commun lorsqu’ils commettraient des infractions du code de la presse sur les réseaux sociaux. Dans un monde de plus en plus digitalisé où il n’existe presque plus de média sans réseaux sociaux, sortir ces derniers du champ de la Haac lorsqu’ils sont utilisés par les journalistes était une brèche ouverte aux poursuites judiciaires contre les professionnels des médias. Les dénonciations timides des organisations de presse face à ces mesures se sont laissé convaincre par des émissaires du gouvernement qui ont soutenu à l’époque, haut et fort, qu’il n’y avait aucune menace pour les journalistes. Des acteurs de la presse ont cru leur accorder le bénéfice du doute. Et pourtant la menace était bien réelle.
Dans une note publiée vendredi, la branche togolaise d’Amnesty International a appelé à l’annulation de la condamnation des deux journalistes.
Carlos Tobias