Les habitants ont appelé le Président de la République à s'investir pour leur rendre justice

Surréaliste mais réel ! Des familles entières d’un quartier de Lomé dorment à la rue depuis le 10 décembre 2020, expulsées de leurs domiciles. Au quartier Bè-Kpota Atchantimé, l’affaire suscite incompréhension et indignation et semble être ce qui illustre au mieux comment les décisions de justice peuvent être foulées au pied au Togo.

Alors qu’une décision de justice est attendue le 30 décembre 2020 sur l’affaire, deux maisons – sur la soixantaine concernée- se sont vues vider de leurs habitants le 10 décembre 2020. Il nous est revenu que, malgré l’injonction de la justice à sursoir à la manœuvre quelques jours plutôt, les exécutants sont tout de même revenus à la charge, brandissant menaces et combines qu’ils auraient jusqu’au Palais de Lomé, selon leurs propos rapportés par les populations.

Les faits :

En 2000, les populations de Bè-Kpota Atchantimé sont cueillies à froid par une information ! Une dame du nom de Kentzler débarque, titre foncier en main, et se réclame propriétaire d’environ 3 hectares, soit environ 76 habitations bâties. Propriétaires des lieux depuis les années 1970 pour certains, la nouvelle a sonné pour les habitants comme un glas. Pour les assommer, madame Fafadji Frieda Guerard, née kentzler sortait le duplicata d’un titre foncier qui aurait été établi sur la base d’une déclaration verbale de propriété. Selon elle, les parcelles auraient été données à son feu grand-père kentzler à l’époque coloniale par la collectivité Hotounou en 1947.

Face à cette situation, saisit, le juge des référés a renvoyé l’affaire en audience publique.  Par le jugement N° 696 du 14 avril 2006, le tribunal de première instance de Lomé donne raison à madame Fafadji Frieda Guerard, née kentzler, et ordonne une exécution provisoire. Le jugement est aussitôt contesté devant la Cour d’Appel. Mais en 2007, la plaignante décède. L’affaire reste alors pendante devant la Cour. Pour la poursuite de la procédure, les héritiers de la plaignante décédée devraient faire une reprise d’instance. Seulement, en 2019, c’est une héritière qui surgit et tente l’expulsion des familles.

Les victimes s’organisent une nouvelle fois et font appel à la justice. Face à la manœuvre, elles obtiennent un sursis à exécution, une décision du président de la Cour d’Appel suspendant le jugement N° 696 du 14 avril 2006 et ce, jusqu’à l’issue définitive du procès. Une décision de la Cour est d’ailleurs annoncée pour ce 30 décembre 2020. Malgré l’ordonnance N°1697/2020  du 13 octobre 2020 de la Cour d’Appel ordonnant la suspension et notifiée à la supposée héritière, à son huissier et à la Gendarmerie nationale, deux familles ont été manu-militari expulsées ce 10 décembre 2020.

Comment exécute-on alors un jugement alors qu’un sursis ordonne la suspension de la décision, et à quelques jours d’une décision de la Cour d’Appel ? Pour les populations, il s’agit bien d’une violation fragrante d’une décision de justice, bafouant les règles élémentaires du droit.

Le coup de force…

Ce 28 décembre, les populations victimes de cette tentative d’expropriation ont tenu à hausser le ton. Mobilisées dans le quartier, elles ont dénoncé « l’arnaque » dont elles sont victimes par la prétendue héritière de madame Fafadji Frieda Guerard, née kentzler. Cette dernière a déjà réussi à sortir les occupants de deux maisons. A en croire les populations, elle a promis les déloger deux à deux.

Les habitants du quartier ont appelé les autorités togolaises, notamment le chef de l’Etat, garant de l’indépendance de la justice. Car pour les populations du quartier Bè-Kpota Atchantimé, « si la dame réussit son coup, ce sera un dangereux précédent qui pourrait aboutir à une explosion sociale ». « Nous invitons le Chef de l’Etat à s’investir dans notre dossier pour siffler la fin de l’injustice. Un procès est en cours et la dame n’a aucun droit de nous faire sortir de nos maisons », a déclaré Koami Gnamezan, porte-parole du Mouvement des acquéreurs de terrain chez la collectivité Hexprotounou.

Selon nos informations, la première tentative a été avortée il y a quelques jours encore sur intervention de la justice. Mais elle reviendra à la charge avec l’appui des éléments des forces de l’ordre et gros bras pour achever la besogne.

Une des maisons vidées de ses occupants

Sur place, nous avons pu constater les deux maisons évacuées et refermées par des briques. Les familles délogées, pour certaines ont trouvé refuge chez des voisins, eux-mêmes sous le coup de la menace.

Ainsi donc, à côté d’une politique de modernisation de la justice, de la sécurisation du foncier, le tout pour assainir le climat des affaires et encourager l’investissement d’une part et d’autre part consolider l’harmonie sociale, il existe des gros bras capable de défier l’autorité des magistrats ; avec des supposés appuis dans l’ombre ?

En attendant de répondre à ce questionnement, tout un quartier, au cœur de Lomé est sous la menace d’une expulsion. Au mépris d’une ordonnance de justice. Un défi pour la justice mais aussi un nouveau challenge lancé à tout un appareil dont la crédibilité a depuis été mis en cause dans les affaires du foncier.

 

(Nous y reviendront)