Afrobrunch
Les panélistes lors de la 1ère édition Afrobrunch

Le village planétaire dans lequel nous vivons aujourd’hui interpelle chacun à apporter sa pierre au dialogue des cultures. Aujourd’hui, nul ne peut participer au rendez-vous universel sans y apporter un peu du sien, de sa culture, de ses origines. C’est l’idée conductrice de la 1ère édition de l’Afrobrunch tenue samedi avec pour thème « La place des valeurs culturelles traditionnelles dans le monde d’aujourd’hui ».

Le talkshow regroupant des panélistes de divers horizons ainsi qu’un public composite tant sur le plan national qu’international dans un cadre décrit comme le « temple de la tradition de Lomé » a tenu toutes ses promesses. Le premier panéliste Pawou Batana, du haut de ses 28 ans d’expérience professionnelle en télécoms et en informatique au Togo et à l’international a axé son intervention sur la culture comme soubassement de l’émancipation d’un peuple ou des communautés. Il précise que « Les valeurs traditionnelles, la connaissance de son histoire sont aussi importantes que les connaissances intrinsèques telles que l’humilité, la prudence, le leadership, la solidarité entre autres dans le développement d’un pays. On se rend compte qu’il va être très difficile pour les peuples qui oublient leurs traditions et qui ne connaissent pas leur histoire de se développer car au-delà de la connaissance, le développement fait appel à des valeurs telles que la rigueur, la discipline, le patriotisme, la fierté nationale, la connaissance de soi qui sont importantes que la connaissance intrinsèque à plus d’un titre. Malheureusement on n’enseigne pas certaines réalités de nos faits historiques passés dans les programmes d’histoire. Dans nos traditions, nos ancêtres avaient une manière de faire les choses et attachaient de l’importance à des valeurs comme la primeur du culte du travail ; certaines attitudes, pratiques, qui entretenaient le savoir, protégeaient l’écosystème et organisaient et conduisaient la société, etc. »

Face à ce constat Batana préconise un retour aux sources car pour lui, ne pas enseigner la vraie histoire, ne pas former nos progénitures dans les fondements de nos traditions et les valeurs clés qu’elles véhiculent, est un vrai handicap au développement. Il estime que « les des peuples ayant accéléré leur développement économique ont inculqué à leurs populations des valeurs comme la discipline, la rigueur, le patriotisme et la fierté nationale qui sont des facteurs d’activation d’un moteur dans l’esprit des gens qui deviennent des acteurs de développement. La tradition est porteuse d’enseignements de valeurs et il nous faut donc la garder afin d’éviter de freiner le développement par le déni de soi et le désir de ressembler aux autres afin d’acquérir de nouveau l’esprit de patriotisme et retrouver ces valeurs perdues come la citoyenneté, l’honnêteté et la fierté nationale qui sont un soubassement des valeurs traditionnelles. Tout cela doit passer par le changement de l’enseignement de l’histoire dans les programmes scolaires du collège jusqu’à l’université. »

A son tour, l’ingénieur culturel Nicolas – Etienne Sohou Ngani s’est étalé sur la problématique de la culture et de ses fondamentaux ainsi que sa transmission aux générations actuelles et la préservation pour les générations futures sans oublier de relever les aspects ayant des valeurs marchandes qui peuvent à la fois permettre de renforcer l’identité tout en procurant du profit. Il s’est exprimé à propos de l’éducation culturelle. Il propose d’« analyser les différentes formes de transmission culturelles et leur valeurs pour notre société. La diplomatie culturelle a été utilisée pour nous faire croire que certaines cultures sont plus importantes que les nôtres. » Car selon Nicolas – Etienne, « aujourd’hui, il est important de se demander quels sont les moyens ou les canaux par lesquels les autres cultures nous envahissent puis à notre tour se servir de ces différentes formes d’expression culturelles basiques telles que la danse, le conte, le cinéma, le théâtre, la musique, la mode, le livre, etc. à transmettre et diffuser la culture togolaise et ses traditions. » Il rajoute que « puisque la culture est identitaire et a deux caractéristiques, celle marchande (qui peut être diffusée et transportée) ndlr et celle non marchande, les méthodes utilisées jadis pour diffuser la culture ne doivent pas être les mêmes aujourd’hui. De nos jours, on peut faire usage des jeux vidéo, le cinéma, les films d’animation qu’on peut utiliser pour transmettre des valeurs culturelles à nos enfants et expliquer certains mythes, certains faits, certains interdits et plusieurs autres aspects de nos traditions. Aujourd’hui le défi est de trouver les meilleurs canaux adaptés aux générations actuelles et éviter d’imposer des manières qui ne sont pas adaptées à leur ère afin de transmettre nos valeurs de la manière la plus efficace. Un exemple est que nos musées aussi peuvent être utilisés pour éduquer les jeunes sur plusieurs aspects des parcours des peuples du Togo et plusieurs autres aspects. »

Sortir de la crise identitaire

Afrobrunch
Exposition de produits artisanaux à la 1ère édition Afrobrunch

A la suite des deux premiers intervenants, le troisième panéliste, le frère Boniface Tiguila, moine fondateur d’abbaye avec des connaissances en anthropologie et en psychologie, s’est appesanti sur la crise identitaire qui nous frappe en tant qu’individus mais qui frappe aussi les groupes sociaux, les ethnies et les nations monde entier. Et tout naturellement, les africains mais aussi les togolais ne sont pas en reste. Il a observé de par ses multiples voyages qu’« il est rare de voir des togolais fiers d’être togolais. » Il suggère à cet effet « de vivre par l’action de penser, de douter car aujourd’hui on a l’impression que nous avons plutôt la culture de la consommation ; tellement que l’art culinaire, le fait de manger qui est une identité peut aujourd’hui être utilisé aussi pour nous asservir. Souvent on nous fait manger, préférer ce que nous n’avons pas pour mieux nous assujettir. C’est ainsi que nous avons été asservis, avilis et vu notre identité volée. Savoir posséder l’art culinaire, c’est savoir s’affirmer et il ne faut pas perdre ce savoir. Nous devons revenir à cette valeur fondamentale qu’est l’art de manger et la maintenir. Revenir à notre culture, nos valeurs qui nous ramènent sur le sentier de notre identité. »

Afrobrunch
Promotion des produits artisanaux lors de la rencontre Afrobrunch

Selon la promotrice de l’événement Reine Ali-Tiloh-Tchakpele, « cette première édition de l’afrobrunch vise à mener des réflexions, revisiter nos traditions afin de voir ce qu’on peut garder de meilleur de nos valeurs traditionnelles, découvrir nos divers mets et promouvoir les articles du terroir togolais ; mener des réflexions sur le moyen de redevenir ce que nous sommes et découvrir ou redécouvrir certains éléments de nos cultures. Cet événement compte se reproduire de manière périodique avec des thèmes spécifiques à des groupes ethniques comme le mariage traditionnel, les us et coutumes de diverses localités du Togo et est aussi une plateforme de découverte et de promotion des artistes de la chanson traditionnelle au Togo. »

La soirée s’est poursuivie avec des échanges entre les panélistes et les participants dans une ambiance festive traditionnelle de dégustation des mets locaux. D’autres activités comme la prestation d’artistes locaux de la musique traditionnelle, des shows d’humoristes, une expo-vente des articles traditionnels et des démonstrations de tissage traditionnel de pagnes ont meublé le talkshow, le tout dans respect des mesures barrières.

Jude ASSOTI