La presse togolaise connaît, depuis quelque temps, un épisode sombre. Le sort réservé au journal L’Indépendant Express vers la fin de l’année 2020 demeure toujours amer pour les acteurs des médias. Aujourd’hui, c’est la détention de journalistes qui cristallise les débats au Togo, un pays où la dépénalisation des délits de presse est acquise depuis 2004. Cette situation malvenue offre tout de même une opportunité de mobilisation aux hommes et femmes des médias.

Par Narcisse Prince Agbodjan

En attendant, un constat s’impose : le tableau présenté plus haut crée un climat d’incertitudes qui plonge les journalistes dans la crainte permanente d’être arrêtés et privés de liberté à tout moment. A l’observation, nos gouvernants semblent réticents à l’idée de compter sur la bonne foi des professionnels des médias de remplir leur mission, en leur laissant les coudées totalement franches pour agir.

Il s’ensuit donc les manœuvres préjudiciables à l’instauration d’une presse de qualité, reflet de la société telle qu’elle se porte. Conséquence ? On note une régression de la liberté de presse dans la mesure où les espaces médiatiques sont réduits, d’une manière ou d’une autre. Pourtant, tout le contraire devrait être mis en place pour chérir cette liberté et la pérenniser, attendu qu’elle constitue une donnée fondamentale dans l’évaluation d’une société démocratique.

Certes, le secteur de la presse au Togo doit être réformé pour mieux garantir la liberté de presse, le sujet fait l’unanimité ou presque. Et cette réforme a commencé, en témoignent l’adoption et l’entrée en vigueur depuis janvier 2020 du code de la presse et de la communication. Cependant, cette boussole professionnelle doit être un instrument fiable, adjuvant de la liberté d’expression et de presse. Les enseignements tirés des dernières mésaventures de certains journalistes confortent-ils notre code de la presse dans ce schéma ? Les professionnels des médias pourront en tirer les leçons.

Ce qui aura été remarquable pour tous dans les tribulations des confrères qui ont été récemment privés de liberté, c’est l’application de textes autres que ceux qui encadrent l’exercice du métier de journaliste au Togo, car, a-t-on expliqué, la faute dénoncée a été commise par un canal d’un autre type qui n’entre pas dans le champ médiatique tel qu’il est conçu dans notre environnement.

Il est vrai que les journalistes détenus ont recouvré leur liberté, mais les organisations de presse qui font quelque fois preuve de naïveté, gagneraient à reposer pendant qu’il est temps, le débat sur l’opportunité du maintien ou pas de certains articles dans ce code. Ces articles sont en réalité, un vrai motif d’inquiétude, notamment les articles 3 (alinéa 2) et 5 (relatif à la définition de la presse en ligne), considérés comme des instruments déguisés de censure.

Ce d’autant plus que le code de la presse et de la communication soustrait les réseaux sociaux de son champ d’application et surtout reverse les dérapages qui résultent de leur utilisation au droit commun. Toute chose qui peut être interprétée comme une passerelle, un raccourci bien pensée pour faire appliquer aux professionnels des médias les peines privatrices de liberté, même pour des faits commis dans l’exercice de leur métier. Tout cela dans un contexte marqué par l’utilisation accrue de ces réseaux y compris par les professionnels des médias traditionnels.

Remettre le sujet en discussions est un exercice collectif opportun et nécessaire qui servira l’intérêt de la corporation. Il est alors souhaitable et même exigé des journalistes togolais de faire taire pour une fois leurs divergences et d’opter pour la solidarité, afin d’obtenir la relecture indispensable du code de la presse actuel. Le jeu en vaut la chandelle et la lutte engage toute la presse sans distinction.

Nous avons de bonnes raisons de nous placer sous le signe de la confiance pour lutter pour une presse plus libre au Togo, car le péril se fait plus pressant. La presse togolaise doit pouvoir faire son travail en toute conscience et au bénéfice exclusif du peuple.

Tant que nous n’allons pas agir pour faire modifier ces articles, l’épée restera suspendue au-dessus de nos têtes. L’autocensure restera de mise dans l’exercice de notre métier et la culture du journalisme d’investigation sera freinée, fragilisant et décourageant ainsi les quelques journalistes intrépides qui voudraient s’accrocher.

Ce serait un honneur pour le Togo de disposer dans ses rangs de journalistes de renom dans une corporation où la plupart des acteurs sont souvent considérés comme des besogneux. Ces rares voix discordantes qui résistent encore à l’appât du gain facile ont besoin de faire leur travail en toute liberté.

La presse togolaise a l’obligation d’engager le combat pour une relecture des articles suscités, si elle veut continuer à tracer son sillon et à assumer l’important rôle qui lui est dévolu au sein de la communauté.

Qu’il me soit donc permis de lancer ici un appel pressant à toutes les organisations de presse par rapport à ce défi aussi important que vital pour une presse plus libre et davantage professionnelle au Togo.

Au-delà des organisations de presse, les hommes et femmes des médias dans leur ensemble doivent se mobiliser. Notre survie collective en dépend.

Dieu veille sur nous !!