Le Président sénégalais s’est enfin exprimé, lundi 3 juillet, sur sa candidature aux prochaines présidentielles de février 2024. Macky Sall a déclaré qu’il ne se présentera pas pour un 3è mandat, affirmant avoir une claire conscience et mémoire de sa parole donnée en 2019. Lundi, c’est un Président agacé et menaçant qui s’est adressé aux Sénégalais.
« Ma décision longuement et mûrement réfléchie est de ne pas être candidat à la prochaine élection du 25 février 2024. » Voilà le bout de phrase que les partisans de la limitation des mandats présidentiels ont attendu en vain, avec les conséquences connues depuis plusieurs mois au Sénégal. C’est sur ces faits que le Président Macky Sall s’est finalement attardé dans tous les sens, avec des mots soigneusement choisis et qui laissent présager ce qui pourraient suivre d’ici février 2024.
En effet, le Président sénégalais, s’il annonce ne pas se présenter aux élections du 25 février, arguant avoir bonne mémoire de sa promesse sur ce fait, a clairement laissé entendre que les « auteurs des troubles » récents répondront de leurs actes. Macky Sall s’est dit déterminé à assumer avec « rigueur et fermeté » ses fonctions jusqu’à la fin de son mandat. Au nom de la protection de l’Etat, il s’est montré menaçant, martelant de veiller au respect des décisions de justice. Quand on sait lesquelles précisément, c’est dire que le Sénégal n’en a pas fini avec les incertitudes. Et les mots du Président sénégalais sont choisis. Pour lui, les contestations et tensions récentes sont l’œuvre des « fossoyeurs de la nation », de « populistes ». Leur objectif, croit-il savoir, est de plonger le Sénégal dans l’obscurantisme, la terreur ». « Crime organisé, destin funeste, arrêt du savoir (en faisant référence aux attaques contre des universités » ! Ces mots traduisent la lecture mélancolique que Macky Sall a de la situation qui pèse sur le pays.
Or, nous le savons tous, ce sur quoi ses détracteurs ont longuement surfé, c’est cette supposée candidature dont ils ne voulaient pas en entendre parler ? Alors, pourquoi attendre si longtemps pour faire taire ‘’les mauvaises langues’’ qui auraient poussé à incendier le pays ? La réponse de Macky Sall disant ne pas vouloir s’enfermer dans une injonction, préférant s’occuper du fonctionnement de l’Etat est peu convaincante. Car bien avant lui, Mahamadou Issoufou, fervent adepte de la limitation des mandats, a dans son pays le Niger fait taire les esprits malins qui ont voulu le flatter dès les premières heures. Ce dernier a d’ailleurs qualifié la décision de Macky Sall « d’une grande intelligence politique », quelques minutes après le discours de ce lundi.
Coupables ou coupable ?
Sans les nommer, Macky Sall s’est adressé surtout à ceux qui lui prêtaient l’intention de vouloir briguer un mandat de plus. Il a répété à deux reprises que la constitution sénégalaise révisée en 2016 l’en autorise. Alors pourquoi se refuse-t-il de jouir de ce droit constitutionnel ? « J’ai un code d’honneur et un sens de la responsabilité historique qui me commandent de préserver ma dignité et ma parole », répond-il.
Mais d’autres réponses sont à rechercher dans l’histoire du Sénégal, de son histoire contemporaine ; celle d’ailleurs qui a vu le Président Macky Sall succéder à Me Abdoulaye Wade. La grogne sociale, et son nom qui finirait inscrit au panthéon des vomis de la Teranga…(et certainement d’un continent qui, de plus en plus, ne semble plus vouloir des présidents à vie).
Une nouvelle candidature, il l’aurait bien voulu et en a certainement caressé le rêve. C’est bien pour cela qu’il a dû longuement réfléchir comme il le dit si bien lui-même. Au cas contraire, libérer au plus tôt sa parole aurait permis de ‘’couper l’herbe sous le pied’’ de ses pourfendeurs et d’économiser les vies perdues. Comme dans ces palais africains où les éclaireurs sont envoyés pour sonder, le sondage a été bien fait et à travers tous soutines les plus proches qui ont déclaré urbi et orbi que Macky Sall est leur candidat pour 2024. Eux aussi devraient répondre de leurs actes pour avoir surfé sur un sujet qui cristallisait les tensions et provoquait des étincelles dans le ciel sénégalais, au mépris du vivre ensemble que semble vigoureusement défendre leur mentor.
Un débat loin d’être clôturé
Aux lendemains de cette sortie du Président Macky Sall, on peut se demander quelle en sera la suite ? Tel un félin blessé, va-t-il faire payer, à tous les coups, ceux qui ont anticipé et provoqué le débat malgré lui et l’ont obligé à renoncer à ses ambitions soupçonnées ? Cela s’entend d’ailleurs dès les premières lignes de ce discours d’un Président profondément en colère qui tentait à peine de dissimuler sa rage.
En conclusion, le Sénégal a encore du chemin pour prouver qu’il garde son crédit de démocratie exemplaire que l’on veut brandir au monde. On pourra en reparler aux lendemains des élections de février 2024. Car, bien nous avons encore à l’esprit le récent scénario ivoirien; sans oublier que, pour le pays de la Teranga, les autres sujets de tension comme la garantie de participation aux prochaines élections pour tous les partis sont encore sur la table. Ces élections dont Macky Sall dit vouloir les résultats transparents et acceptés par tous. Ce n’est visiblement donc qu’une trêve!
Carlos Tobias