Ce vendredi, Michaëlle Jean deviendra certainement une ex-secrétaire générale de la Francophonie. A la cérémonie d’ouverture du 17è sommet de l’organisation, Michaëlle Jean  a dénoncé ce qui depuis de longs mois est apparu comme « un arrangement entre Etats » pour la débarquer de la tête de l’organisation.

Michaëlle Jean à la cérémonie d'ouverture   (©Karen Minasyan…   Flickr
Michaëlle Jean à la cérémonie d’ouverture (©Karen Minasyan… Flickr)

Amère, Michaëlle Jean l’a bien été lors de son discours face aux chefs d’Etat et de gouvernement à l’ouverture de ce 17è sommet de l’OIF à Erevan en Arménie. Celle qui a été abandonnée par son propre pays, le Canada au détriment de la rwandaise Louise Mushikiwabo. Et c’est ce qui blesse le plus. Michaëlle Jean s’est vu préférée la ressortissante d’un Rwanda démocratiquement mal au point.

Michaëlle Jean a dénoncé la préférence à la « real politique » au détriment des valeurs de l’OIF. Des valeurs qu’elle a peut-être trop portées ? Si il y a une raison qui explique cette « alliance » presque unanime contre elle, c’est aussi qu’elle est accusée d’avoir trop conduire la Francophonie sur le terrain politique. « C’est sous votre impulsion que nous nous sommes dotés de textes normatifs et de références exigeantes sur la pratique de la démocratie, des droits de l’homme et des libertés dans l’espace francophone », a déclaré la SG en guise de réponse aux chefs d’Etat et de gouvernement.

Elle ira loin en remuant la plaie, laissant traduire son amertume. « De quel côté de l’histoire voulons-nous être ? Sommes-nous prêts à accepter que la démocratie, les droits de l’homme et les libertés soient de simples mot que l’on vide de leur sens au nom de la ‘’real politik’’, de petits arrangements entre Etats ou d’intérêts particuliers », a-t-elle lancé au sommet. Jusqu’au bout, Michaëlle Jean voudrait se battre, même toute seule. L’élection probable de celle qui la remplacera ne passera pas comme une lettre à la poste. Elle devra se faire en huis-clos vendredi.

Michaëlle Jean l’aura appris à ses dépens, les « organisations internationales sont le lieux d’un rapport de force », comme le disait un chef d’Etat Ouest-africain cité par RFI. Un rapport de force que mène la France pour rallier les autres à sa volonté de voir la rwandaise Mushikiwabo, anglophone officielle prendre la tête de la Francophonie.

Et si Kako Nubukpo avait raison ?

Kako Nubukpo, Économiste, ancien ministre de la Prospective et de l’Évaluation des politiques publiques du Togo et ancien directeur de la Francophonie économique et numérique au sein de l’OIF en avait déjà fait les frais. En 2017, son franc-parler contre le CFA lui a coûté son poste à l’OIF. Accusé de violer ses obligations de réserve, Kako Nubukpo ne s’est jamais privé de s’exprimer sur les sujets qui l’interpellent. Dans une tribune co-signée dans Jeune Afrique à la veille de ce sommet de la Francophonie ; il se demandait « si, à la veille du sommet d’Erevan, nos politiques sauront être au rendez-vous de l’Histoire ». Il rappelait qu’« à la veille des cinquante ans de l’OIF, les attentes sont très fortes et l’organisation doit assumer son rôle de catalyseur des énergies pour servir et faire advenir la francophonie des peuples ».

Dans un autre entretien publié ce jeudi par Le Monde, kako Nubukpo a déclaré : « la Francophonie ne doit plus être le bras armé de la France », en formulant des propositions pour une réforme de l’institution. En attendant que sa voix et celle de tous ceux qui appellent à une Francophonie des Peuples ne soient entendues, ce sera la ‘’real politik’’ au sein de l’OIF ; comme dans bien d’autres institutions internationales d’ailleurs.

Ben Souleyman