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A la table, les présidents de l'ATC, MMLK et LCT

L’Association togolaise des consommateurs (ATC), la Ligue des consommateurs du Togo (LCT) et le Mouvement Martin Luther King (MMLK) ont sensibilisé ce mercredi les acteurs de wifi zone à Lomé. Ces associations ont pris l’initiative afin d’expliquer aux consommateurs la décision de l’Arcep portant réglementation de l’activité de wifi zone au Togo. Le but est de mettre fin aux interprétations erronées de cette décision, mais surtout de recueillir l’avis des acteurs et consommateurs pour l’amélioration du cadre réglementaire de l’activité.

La décision N°132/arcep/DG/DJPC/23 portant encadrement de l’activité de wifi zone au Togo, prise le 12 septembre par l’Arcep, suscite de diverses interprétations au sein de l’opinion nationale. Les acteurs de wifi zone en sont particulièrement inquiets. C’est donc pour recadrer le débat et rassurer tous les acteurs que les trois associations des consommateurs, ATC, LCT et MMLK ont initié la rencontre d’information de ce mercredi. Trois communications ont permis de recadrer le débat. D’abord, les participants ont été entretenus sur le thème : « wifi zone : un service numérique inclusif au développement socioéconomique.» Cette communication a été présentée par docteur Djagri Tindjo, enseignant-chercheur en développement et changement social à l’Université de Lomé.

Cette présentation introductive a permis à l’universitaire de ressortir le rôle incontournable que joue internet dans la vie des populations ; au moment où « l’accès à internet est un défi. » Dr Djagri Tindjo a souligné que « le wifi zone est un élément clé de la croissance économique. » Selon l’enseignant-chercheur, au-delà de l’aspect économique, le wifi zone revêt trois fonctions clés à ne pas négliger. Il s’agit de la valeur fonctionnelle qui représente l’ensemble des services fournis à travers les wifi zones (aux entreprises, aux ménages et aux particuliers) qui contribuent entre autres à l’éducation. La deuxième valeur est sociale, a relevé le communicateur. Car, le wifi zone permet de « maintenir les liens relationnels et favorise la cohésion sociale. » La troisième fonction, c’est la valeur communautaire. Sur ce point, le wifi zone « brise la fracture numérique. Il donne accès aux zones rurales et isolées aux services essentiels », a expliqué Dr Djagri. Pour finir, le communicateur a rappelé que « le wifi zone a permis d’améliorer la résilience économique et diminuer les effets de la récente crise sanitaire de la Covid-19. »

En effet, le chercheur en développement et changement social a insisté sur les emplois créés par internet. « Le wifi zone s’est avéré un élément essentiel à l’innovation qui permet aux pays en développement de pousser leurs économies », a-t-il appuyé. De quoi l’amener à se réjouir de l’initiative des associations des consommateurs pour engager les discussions avec les différents acteurs. « La restriction du wifi zone serait un coup dur pour la population. Il est essentiel de réfléchir au rôle important que joue le Wi-Fi pour connecter villes et communautés, tout en reconnaissant sa capacité à accélérer le développement socio-économique et à promouvoir une connexion à un prix abordable pour les personnes n’en bénéficiant encore pas dans le pays », a suggéré le chercheur.

Les griefs des consommateurs

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Rassurer et dialoguer

Pour les consommateurs togolais, l’annonce de la régulation de l’activité de wifi zone renvoie à plusieurs questions. Enos Tchalla, gestionnaire web et critique s’est fait le devoir de revenir sur les inquiétudes des consommateurs lors de la rencontre. C’est donc à travers plusieurs questionnements qu’il a attiré l’attention notamment des représentants du régulateur sur ces inquiétudes. Cette deuxième communication a permis de s’interroger sur la qualité des offres proposées aux consommateurs togolais, sur les tarifs etc.

Enos Tchalla a alors proposé au public une simulation budgétaire basée sur le pouvoir d’achat du togolais lambda dont le Smig est à 52.500F CFA. Ce qui suppose que ce dernier est appelé à vivre avec 1.750f CFA par jour. Or, accéder à un abonnement internet FTTH au Togo nécessite 15.000F CFA/mois. En termes simples, avoir une connexion illimitée haut débit demande au consommateur lambda de dégager 500F par jour de son budget quotidien de 1.750F CFA! Le tableau tel que présenté permet à l’intervenant de conclure : « qu’au Togo, le problème crucial c’est le volet tarifaire. » Il a donc appelé à une réflexion poussée au moment où la digitalisation des services publics s’accélère au Togo.

Le gestionnaire web et activiste n’a pas oublié les zones rurales où l’accès à internet reste toujours relatif. Pour répondre aux besoins des populations en communications électroniques de qualité, Enos Tchalla propose l’extension des infrastructures des opérateurs. De même, il a invité le gouvernement à penser à des alternatives d’accès à internet, en dehors des opérateurs actuels. « Le consommateur togolais doit être plus ou moins avisé pour savoir où aller », a-t-il ajouté. Pour lui,  il est nécessaire que les consommateurs togolais prennent conscience de l’impact des actions collectives pour faire bouger les lignes.

Des acteurs de wifi zone rassurés

Ils étaient les plus inquiets. Et pourtant, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) n’a pas retourné sa veste. L’activité de wifi zone reste légale au Togo, comme il l’a déjà martelé. C’est entre autres la bonne nouvelle qui a rassuré plus d’un. Cependant, il est désormais nécessaire que cette activité se déroule dans le respect du cadre réglementaire. La sensibilisation initiée par les associations des consommateurs a permis donc de dissiper les doutes.

Michael Agbognigan est le président de l’Association nationale des opérateurs de wifi zone. Son association rassemblerait environ 600 acteurs. Pour lui, la réglementation du secteur est une bonne initiative. Ce qu’il reproche à l’Arcep, c’est le manque de concertation avant la décision du 12 septembre. Il constate que : « la décision N°132 de l’Arcep ne reflète pas la réalité des acteurs de wifi zone. Ce qui a créé une grande indignation », a-t-il confié. Mais la rencontre initiée par les associations des consommateurs permet désormais de construire des ponts entre eux et le régulateur. Et Michael Agbognigan d’émettre le vœu d’une prochaine rencontre entre les acteurs de wifi zone, les associations des consommateurs et le régulateur. « L’Arcep nous tend les bras », a-t-il déclaré à la suite de la rencontre.

L’Arcep, entre régulation et protection

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Au premier plan, des représentants de l’Arcep

Régulièrement acclamée par les consommateurs, c’est la première fois qu’une décision de l’Arcep fait l’objet de critiques. Et pour cause, la décision de réglementation de l’activité de wifi zone a été peu comprise. La rencontre de sensibilisation des associations des consommateurs a été l’occasion de préciser la démarche du régulateur. Selon Amah Vinyo Capo, Directeur marchés et régulation par la donnée à l’Arcep, « la mission de l’Arcep est d’appliquer la réglementation. » Et « la manière la plus facile de permettre à l’activité de wifi zone de continuer est d’appliquer la règlementation », a-t-il expliqué.

La communication du directeur marchés et régulations par la donnée a éclairé les acteurs sur le cadre réglementaire des communications électroniques au Togo. Un cadre réglementaire qui prend en compte l’ensemble des activités de ce secteur. Une information de taille qui a permis de couper court aux incompréhensions. Ainsi, les participants ont-ils été informés que l’Arcep n’est pas l’initiatrice des lois, mais elle est chargée de leur application. Le régulateur a surtout réaffirmé sa disponibilité à engager, avec l’ensemble des acteurs, des discussions basées sur les textes, afin d’améliorer le cadre légal et réglementaire des activités du secteur. L’Arcep a rassuré jouer son double rôle, celui « de protéger le marché et de protéger l’intérêt des consommateurs », a expliqué Amah Vino Capo, avant d’encourager les consommateurs à jouer eux-aussi leur partition.

« La décision a pour objet d’encadrer l’activité de wifi zone. Il est important que toutes les activités menées dans le secteur des télécommunications soient encadrées », a appuyé Kader Ouro-Agoro, directeur des affaires juridiques et de la protection des consommateurs à l’Arcep. Cette régulation a aussi pour objectif d’une part de protéger les fournisseurs de service de wifi zone, et d’autre part de protéger les populations, notamment contre les effets de prolifération des pylônes de relais. Sur ce dernier point, l’Arcep est formelle : l’installation de pylônes n’est autorisée que pour les opérateurs ayant une licence régulière d’exploitation. De quoi dire que l’Arcep reste constante dans sa démarche. « L’activité de wifi zone est légale. Etant légale, elle est aussi réglementé », ont précisé les représentants de l’Arcep à ce rendez-vous initié par l’ATC, la LCT et le MMLK.

Les associations de consommateurs vigilantes

L’Association togolaise des consommateurs (ATC), la Ligue des consommateurs du Togo (LCT) et le Mouvement Martin Luther King (MMLK), en initiant cette rencontre, ont voulu créer des passerelles de réflexion autour du sujet. Fidèles à leur mission de défense des droits des consommateurs, ces trois associations n’entendent pas laisser les acteurs dans l’incompréhension. Régulièrement interpellées par les consommateurs, elles promettent de multiplier ces occasions de sensibilisation, notamment sur le sujet du wifi zone.

« Nous avons convenu de réunir les acteurs de wifi zone afin de discuter et initier des plaidoyers pour améliorer ce qu’il faut améliorer. Avec cette rencontre, ils ont par exemple compris que le montant de 100 mille prévu pour la déclaration a été fixé par un décret. Et ce montant est un frais unique par acteur et non par point, ni par mois. Voilà autant de sujets qui ont été expliqués. Nous restons disponibles pour poursuivre les négociations et appelons les consommateurs à se joindre à nous, et à nous aider à porter leurs préoccupations », a déclaré Emmanuel Sogadji, président de la LCT. Son homologue du MMLK, pasteur Edoh Komi a ajouté : « ce n’est qu’un début. Parce que nous sommes conscients que le sujet est complexe. C’est la loi qui encadre mais nous sommes disponibles à accompagner les concitoyens pour que leur droit ne soit pas violé. »

Tout en reconnaissant les efforts du régulateur, les associations ont invité les participants à cette sensibilisation à relayer les informations utiles reçues lors de cette rencontre.

(Relire) : Togo : de nouvelles dispositions pour les wifi zones

Carlos Tobias