Dans ces cinq dernières années, le Togo s’est engagé dans la modernisation et la restauration des infrastructures routières et des grands travaux. Plusieurs réformes s’en ont suivi soit pour sécuriser les investissements ou soit pour promouvoir la concurrence entre les différentes entreprises soumissionnaires. Malheureusement sur le terrain, le constat c’est que ce sont les mêmes entreprises qui remportent les marchés tandis que d’autres PME croupissent dans la galère jusqu’à mettre la clé sous le paillasson. Pour remédier à cette situation, des entrepreneurs ont décidé de prendre leur destinée en main en se regroupant pour être plus fort. A cet effet, Kondo Bilanté (photo), entrepreneur de son état, nous explique leurs difficultés et les raisons du regroupement en union.

Dans le paysage des affaires il y a un peu de tout. Comment peut-on définir les PME/PMI dans le contexte togolais ? Où les retrouve-t-on le plus souvent ?

Kondo Bilanté : Les PME/PMI sont les petites et moyennes entreprises / petites et moyennes industries. Conformément à la définition conventionnelle, les principaux éléments permettant de déterminer si une entreprise est une PME dépend du nombre de salariés, du chiffre d’affaires ou le total du bilan. Au Togo, le secteur des industries n’est pas encore très développé c’est plutôt la terminologie PME qui est connue sur le marché publique. Généralement les PME se retrouvent dans les bâtiments et travaux publics, le secteur de l’hydraulique et l’assainissement, dans le nettoyage industriel ou techniciens de surface, dans l’espace vert, dans les professions technologiques genre le froid industriel, les chaudronniers, les ferronniers, dans le domaine de l’informatique (cyber), bref tout se développe dans les PME. Dans le commun des togolais, les PME riment avec les travaux publics et le bâtiment.

En parlant de travaux publics, on ne sent pas l’agressivité des PME/PMI lors de la passation ou l’attribution des marchés publics. A quoi est-ce que cela est dû ?

Kondo Bilanté : Depuis pratiquement trois (03) ans, il y a une réforme au niveau des passations des marchés publics qui a vu la création de l’autorité de régulation des marchés publics (ARMP) avec pour corolaire l’adoption par l’assemblée nationale d’un code de passation des marchés publics. Les critères d’attribution de marchés sont corsés et élevés pour les entreprises intermédiaires mieux les PME. Il y a des obligations administratives (inscription au registre du commerce, quitus fiscal à jour, redevance parafiscale, etc), techniques (matériel en quantité et de qualité, les ressources humaines expérimentées), financières.

Ce sont des réformes publiques que nous les entrepreneurs saluons, mais nous aurions souhaité que leur application se fasse graduellement pour permettre à tous de s’uniformiser. C’est-à-dire qu’il fallait un temps d’essai pour voir les forces et faiblesses de ces réformes avant de rentrer en plein exercice.

Ces réformes excluent certaines PME dans l’attribution des marchés publics. Quelles stratégies mettre en place pour une inclusion de toutes les entreprises ?

Kondo Bilanté : Pour donner le maximum de chance aux PME, nous pensons qu’il est essentiel de nous regrouper en union. Il y a environ trois (03), nous avons initié des groupements d’entrepreneurs dans chacune des préfectures sur toute l’étendue du territoire au sein desquels, nous avons décidé d’expliquer à nos collègues qui ont peur du formel de sortir de cette torpeur, de se structurer d’accepter d’être formé, à participer effectivement à la concurrence publique dont l’intention n’est pas d’exclure quel que candidat que ce soit.

Même si le nouveau code a le mérite de donner une égalité de chance à toutes les entreprises sous contrainte d’être compétitive, il n’en demeure moins que des entrepreneurs préfèrent rester dans l’informel de peur d’aller vers les structures fiscales pour se faire connaître. C’est en restant dans l’informel qu’on estime être exclu dans les appels d’offres.

Par ailleurs, comme approche de solution, les entrepreneurs doivent se prendre en charge c’est-à-dire se former pour relever le plateau technique, être au niveau du standard admis dans la sous-région parce que nos collègues du Bénin, du Mali, du Burkina, de la Côte d’Ivoire sont nettement en avance sur nous. Ce n’est pas le pouvoir public qui doit former les entrepreneurs mais ce sont eux-mêmes qui doivent se former, se structurer. C’est dans cette optique que les groupements que nous avons déjà installé envisagent de se mettre ensemble pour créer une union nationale de tous les groupements de manière à ce que tous les manquements de notre secteur puissent être résolus par nous-mêmes quitte à nos groupements de voir les autorités pour voir ce qu’elles pourront faire dans l’amélioration des textes, nous aider à mieux nous structurer et d’un autre côté nous aider à nous prendre en charge au lieu d’attendre de l’Etat.

A vous entendre, vous êtes dans une logique de plaidoyer. Est-ce dans cette dynamique que vous avez créé l’U35 ? Quels en sont les objectifs ?

Kondo Bilanté :Depuis environ trois (3) ans, nous avons constaté que beaucoup de choses ont bougé et que les avis d’appels d’offres publics sont publiés dans le quotidien national, un fait nouveau que nous ne connaissions pas au Togo parce qu’auparavant il n’y avait que la pratique du gré à gré. Des réformes sont opérées pour faciliter la création d’entreprise en un temps record, la réforme de la justice pour sécuriser le climat des affaires, et la création de l’office togolais des recettes pour mobiliser plus de recettes. Devant cette batterie de réformes, la grande interrogation est de savoir si à l’étape où se trouve la majorité des PME, nous entrepreneurs, jeunes togolais qui nous battons au quotidien pour subvenir aux charges, est-ce que vous pensez qu’une seule entreprise à elle seul puisse réunir toutes les conditions qu’il faut pour pouvoir participer aux appels d’offres ? je ne crois pas. Donc, il y a nécessité fondamentale à moins que les entreprises au lieu de se diviser puissent se regrouper, car ne dit-on pas que l’union fait la force ?

Et donc c’est dans cette optique là que nous avons créé l’union des 35 groupements. Dans chaque préfecture, il y a un groupement avec un bureau préfectoral. L’objectif de l’U35 est de mutualiser et capitaliser les compétences de chaque groupement pour promouvoir le bien-être social de ses membres. Les groupements d’une préfecture à une autre vont s’échanger les expériences, les méthodes, les pratiques, elles vont se compléter et s’entraider de manière à pouvoir s’élever.

Quelles sont les actions inscrites à l’agenda de l’U35 ?

Kondo Bilanté :Le groupement a projeté d’organiser une conférence des PME en décembre. Dans chaque préfecture, nous avons un noyau de groupement qui réfléchit sur les approches de solution de notre profession et je crois qu’à la conférence de décembre, les délégués de toutes les préfectures viendront avec leurs préoccupations et ensemble nous réfléchirons pour avoir une plateforme nationale sur laquelle nous nous fonderons pour mener des actions concrètes sur le terrain.

Dans l’immédiat, l’union ambitionne de mener des actions sporadiques dans presque toutes les régions dans le cadre de sa sensibilisation et de sa mobilisation telles que des dons de kits scolaires aux élèves, des feuilles de tôles pour la couverture de certaines salles de classe. Le groupement de Kara va procéder à la remise des tables-bancs à la direction régionale de l’éducation de Kara dans les prochains jours.

C’est vous dire que les PME étant des opérateurs économiques n’ont pas seulement l’ambition d’engranger des bénéfices mais elles se soucient aussi du développement social, et c’est cette approche innovante que nous voulons mener sur le terrain.

Propos recueillis par nos confrères de Ecovision